Manifeste du collectif PAP

MANIFESTE « Charte fondatrice pour la constitution du collectif Paysages de l’après-pétrole »

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Le manifeste du collectif Paysages de l’après-pétrole a été rendu public le 20 novembre 2014, lors du colloque « Solutions paysagères pour territoires en transition », qui s’est tenu à Paris.

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Introduction
Ce manifeste est le produit des réflexions menées depuis 2013 par le groupe d’architectes, urbanistes, paysagistes, agronomes, ingénieurs, naturalistes, sociologues et philosophes, formé à l’initiative des auteurs du recueil Paysages de l’après-pétrole (1).Son intention est de définir une charte fondatrice pour la constitution d’un groupe de réflexion et d’échanges pérenne – le collectif Paysages de l’après-pétrole – dont l’objectif est de redonner durablement à la question du paysage un rôle central dans les politiques d’aménagement du territoire, dans un contexte de transition énergétique et plus largement de transition vers un développement durable. Il s’agit de contribuer à la réussite de cette transition, au moyen d’une participation active des citoyens aux projets de territoire, par le biais d’approches paysagères réinventant ainsi un art de l’aménagement du territoire et du bien vivre ensemble.

Les membres du collectif s’inscrivent dans une démarche de progrès démocratique, social et écologique, dont le paysage est pour eux un vecteur privilégié. Ils se reconnaissent pleinement dans les principes de la Convention Européenne du Paysage. Leur action prolonge celle des mouvements très dynamiques qui se sont structurés en faveur du paysage au cours de ces vingt dernières années.

Le manifeste du collectif Paysages de l’après-pétrole a été rendu public le 20 novembre 2014, lors du colloque « Solutions paysagères pour territoires en transition », à Paris. Il constitue une invitation au dialogue avec la société civile, les différentes professions de l’espace, les administrations publiques, les collectivités territoriales, la communauté scientifique, ainsi qu’avec le monde politique. Après la mise en débat et l’enrichissement de ce texte de positionnement, une assemblée constitutive du collectif Paysages de l’après-pétrole se tiendra au premier trimestre 2015.

I. NOTRE CONSTAT : LES APPROCHES PAYSAGERES SONT FACILITATRICES ET PEUVENT APPORTER DES SOLUTIONS REALISTES POUR LA MISE EN OEUVRE DE LA TRANSITION

1. L’urgence d’engager une transition vers un développement plus durable appelle d’autres façons d’aménager les territoires.

L’usage des énergies fossiles bon marché, la concentration des capitaux et la centralisation des décisions ont permis la généralisation de « modèles » d’aménagement s’imposant aux territoires, que ce soit dans les villes ou les campagnes. Fondés sur le principe du zonage monofonctionnel, ces modèles ont conduit à un gâchis d’espace, à de nombreux problèmes économiques et environnementaux et à une banalisation des territoires, sources de mal vivre pour les populations. Le changement climatique, la raréfaction et le renchérissement des ressources fossiles remettent en cause l’intérêt économique de ces modèles et suscitent d’ors et déjà de nouvelles dynamiques de projet pour assurer le développement durable et harmonieux de ces espaces au service de leur population.

. Considérant que la transition énergétique est traitée de façon technique mais plus rarement en termes d’espace,

. convaincus que cette transition sera inéquitable, coûteuse et invivable si elle se fait « hors sol », par l’application de modèles, sans culture de l’espace,

. nous affirmons qu’une approche des territoires par leurs paysages est une solution efficace pour l’environnement, démocratique pour la société et valorisante pour l’économie, permettant ainsi la réussite de cette transition.

2. Les approches paysagères permettent de guider et d’harmoniser les actions menées en faveur d’un développement plus durable et convivial des territoires.

L’observation de nombreux territoires engagés dans de telles démarches montre qu’articulées sur une connaissance fine des richesses et des singularités naturelles et humaines des territoires, et s’appuyant aussi bien sur les savoirs locaux que sur des analyses de professionnels ou de scientifiques, les approches paysagères permettent de guider les aménageurs vers des solutions d’aménagement du territoire pertinentes économiquement, plus autonomes et sobres en énergie, moins polluantes et bien acceptées par les populations car fondées sur la mobilisation de leurs connaissances et l’écoute de leurs besoins.

Les démarches paysagères permettent de :

. spatialiser et mettre en cohérence un ensemble d’approches fonctionnelles généralement très sectorisées pour engager la transition (repenser les flux énergétiques, les infrastructures de transport, etc.),

. associer à ces approches fonctionnelles des approches culturelles et sociales pour favoriser un mieux vivre ensemble (qualité du cadre de vie, partage de l’espace…).

3. Les démarches paysagères réunissent et facilitent la mobilisation de la population autour d’un projet sociétal de territoire.

Sensibles à la beauté et à l’agrément des lieux où ils vivent ou qu’ils visitent, souvent experts du territoire dans l’une ou l’autre de ses composantes, les citoyens doivent pouvoir se former dès leur plus jeune âge, connaître les sites de référence hérités du passé et s’impliquer dans les questions d’aménagement du territoire pour étayer, et développer le jugement, positif ou négatif, qu’ils portent sur un espace et s’engager dans l’élaboration de projets plus durables et mieux partagés. L’une des finalités d’une démarche paysagère est de réunir les acteurs de la société civile autour d’un projet sociétal de territoire. Les praticiens de l’espace sont et doivent être à cet égard des médiateurs autant que des concepteurs.

. L’attention portée au paysage permet de retisser des liens, de s’appuyer sur les leçons de l’histoire, d’échanger des savoirs, de partager des envies.

. Réfléchi en termes de projet, le paysage est un facteur essentiel et fédérateur pour imaginer les bonnes solutions pour l’avenir de nos sociétés en transformation.

II. QUELLES PRIORITES POUR NOTRE COLLECTIF ?

Le collectif Paysages de l’après pétrole compte s’engager prioritairement dans la réflexion et le suivi de démarches paysagères concernant :

1. Un développement urbain soucieux des territoires et du bien vivre

L’ère de l’énergie bon marché a été celle de l’expansion non maîtrisée des espaces urbains, de la spécialisation entre lieux d’habitation, de travail, de consommation et de loisirs selon un modèle qui s’est généralisé partout. Facilité par le faible coût des déplacements et la prolifération des infrastructures routières, ce double phénomène a engendré des trajets individuels motorisés de plus en plus longs et nombreux, et relégué les espaces naturels, agricoles et forestiers au statut dévalorisé de « réserves foncières ». L’inflexion de ces tendances non durables du triple point de vue économique, environnemental et social, et désolant du point de vue du cadre de vie, nécessite de croiser des disciplines aujourd’hui étrangères les unes aux autres, urbanisme et agronomie notamment, autour d’approches paysagères permettant de réorganiser ces territoires pour le plus grand profit de populations périurbaines aujourd’hui déstabilisées. La situation actuelle re- questionne les modes d’habiter dans tous les espaces (urbains, périurbains, ruraux…) ainsi que notre usage de la mobilité, les opportunités de densification, la vocation des espaces, etc. en s’appuyant sur toutes les opportunités locales conduisant à économiser l’énergie et l’espace.

2. L’économie et les innovations énergétiques

L’étude des paysages et l’analyse des aménagements d’avant la période du « pétrole pas cher » conduisent à proposer des solutions d’aménagement bien plus économes en énergie. Elles s’appuient sur la prise en compte des caractéristiques climatiques, du relief, du vent, des sols, de l’eau, de la végétation, trop souvent négligés et oubliés par les promoteurs des « modèles » d’aménagements récents. La remise à l’étude de ces potentialités et la recherche de systèmes adaptés à notre époque conduira à trouver des solutions capables d’économiser une bonne part des ressources fossiles consommées aujourd’hui, par ailleurs à l’origine de nombreuses pollutions.

Alors que l’équipement électrique d’après la seconde guerre mondiale a eu des impacts paysagers considérables, les installations d’énergie renouvelables contemporaines (éolien, photovoltaïque, biomasse) pourtant plus modestes suscitent des réactions de défiance dont le paysage est souvent

l’argument principal. Or, des installations d’énergies nouvelles à l’échelle de villages ou de pays montrent que, menées de façon participative, informée et pour peu qu’elles s’inscrivent en dialogue avec les structures paysagères locales et dans le cadre de projets d’économie et d’approvisionnement énergétiques d’ensemble (« territoires à énergie positive »…), ces implantations se traduisent par la création de nouveaux paysages parfaitement appropriés par les populations locales et valorisants pour l’image de ces dernières.

3. La mise en œuvre de l’agro-écologie

L’agriculture « pétrolière » fondée sur la mécanisation et les intrants chimiques dépendant de ressources fossiles a atteint ses limites économiques, sociales (diminution accélérée du nombre d’agriculteurs), sanitaires (maladies professionnelles liées aux pesticides, santé des consommateurs) et environnementales. Face à cette situation, une partie du monde agricole entend désormais, avec l’agroécologie, relever le défi de la double performance économique et écologique. Au même titre que l’espace agricole a été restructuré pour favoriser une agriculture industrielle (remembrement, drainage, irrigation, rectification des cours d’eau, abandon des terres non mécanisables…), il convient de réfléchir aux façons d’organiser l’espace agricole au service de ces nouvelles orientations en s’appuyant sur les caractéristiques de chaque territoire (relocalisation des productions en fonction des potentiels agronomiques, de l’orientation, du climat, du relief, redéfinition de la taille et de la forme des parcelles, réintroduction d’éléments fixes du paysage…). L’organisation spatiale de cette évolution majeure doit être réfléchie et anticipée en fonction de chaque contexte pour, à la fois favoriser la mise en œuvre efficace de systèmes de production agroécologiques et mieux intégrer et protéger l’agriculture dans les politiques d’aménagement du territoire grâce aux rôles positifs qu’elle peut jouer notamment en faveur de la qualité de l’environnement et du cadre de vie. Fondés sur des productions valorisant les potentiels locaux de chaque territoire ou contribuant à l’alimentation d’une ou de plusieurs agglomérations voisines, ces paysages devront être conçus et partagés avec l’ensemble des acteurs, agricoles ou non, d’un territoire.

III. LES FORMES D’ACTIONS DU COLLECTIF

Par rapport à ces trois priorités, le collectif Paysages de l’après-pétrole souhaite favoriser une « culture de l’espace pour la transition » en mobilisant les leviers d’action suivants :

. Recenser et faire connaître les expériences dont les démarches semblent exemplaires du point de vue de la mobilisation citoyenne, de l’intérêt des solutions techniques imaginées en fonction des contextes locaux et de la qualité des aménagements mis en œuvre contribuant à améliorer le cadre de vie des populations.

. Organiser des rencontres entre les collectivités territoriales et les acteurs engagés dans ces démarches.

. Œuvrer pour que la « compétence paysage » soit reconnue au sein des collectivités territoriales en lien avec la décentralisation.

. Proposer des amendements dans les textes juridiques ou réglementaires concernant le paysage et l’aménagement durable des territoires.

. Devenir force de proposition pour développer des programmes d’études et de recherche sur les questions de paysage et d’aménagement durable des territoires.

 

1. Paysages de l’après-pétrole (mai 2013) – revue Passerelle n°9, éditée par Ritimo (ww.ritimo.org) – cordonnée par Odile Marcel, présidente de l’association La Compagnie du Paysage, et Baptiste Sanson, directeur du Centre Ecodéveloppement de Villarceaux. Pour télécharger le recueil : http://www.coredem.info/rubrique41.html